Rue du Diorama |
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(CMCD-SG 001 2003) |
Hypocondriaque |
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(paroles et musique : Sébastien G. Couture) |
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© Sébastien G. Couture, 2003 SOCAN |
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Déjà tout petit à l’école, Je flirtais avec la rougeole ; La varicelle, les oreillons Étaient mes meilleurs compagnons. Ma mère me couvrait de bouillottes ; Je ne mangeais que des compotes. Je mettais pour sortir par beau temps Trois manteaux et deux paires de gants. J’étais un melting-pot unique De toutes les tares génétiques. Tous les autres enfants me fuyaient Comme la peste car je l’avais. Tous les deux jours à l’hôpital, Prise de sang et toucher rectal, Pour apprendre à huit ans et demi Que je ne souffre que d’hypocondrie. C’est la plus chouette des maladies Car avec elle tout est permis : Le cancer, la sclérose en plaques ; Je suis un hypocondriaque. Adolescent, je fis sensation Avec ma gueule pleine de boutons ; Des mauves, des blancs, des rouges Que je crevais sur tout c’qui bouge. Je pouvais parler pendant des heures De mes diarrhées, leurs odeurs, D’amputation et de gangrène Avec ma vieille tante Madeleine. J’ai commencé d’aimer les filles, Celles à gonocoques, à bacilles. Les champignons et les virus Ajoutent aux charmes de Vénus. Tous les deux jours à l’hôpital, Test d’urine et toucher rectal, Un coton-tige dans le conduit ; Je ne souffre que d’hypocondrie. Aucun problème de ce côté ; Moi, pourtant, j’aurais tout donné Pour un petit chancre sur mon braque. Je suis un hypocondriaque. Afin d’entretenir ma toux, Je vis en ville, je fume beaucoup. Je crache des glaires aux milles couleurs, Gros comme mon poing, plein de saveurs. L’café du coin, c’est chez Henri, Le pharmacien qu’est mon ami. « Il vaut mieux guérir que prévenir », Qu’il me dit avec un sourire. Et on se chante « Je suis malade » À s’en péter les cordes vocales. Un petit cachet, un petit calmant ; Je lui donne un pourboire en sortant. Tous les deux jours à l’hôpital, Prise de tension, toucher rectal. Navrés, les médecins me sourient ; Je ne souffre que d’hypocondrie. Faut croire que j’ai une santé de fer ; Pas le moindre petit bout d’ulcère. Je me bois un grand verre d’ammoniac ; Je suis un hypocondriaque. Mais quand je serai vieux, à l’hospice, Mes hémorroïdes et mes varices ; À chaque nouveau petit malaise Je ferai une croix sur mes prothèses. Je compterai mes foyers d’infection, Mes tumeurs, mes kystes, mes bubons. Je regarderai couler mes selles Par mon anus artificiel. Plaies suppurantes, cataractes, À chaque jour deux, trois attaques. Tous les chirurgiens en haleine ; Amputation chaque semaine. Je vivrai ma mort à l’hôpital, Je développerai un cancer rectal. Ma tante Madeleine, je serai guéri ; J’aurai vaincu l’hypocondrie. Toutes les maladies que je veux, Tous les virus, je serai heureux Je danserai sur mon catafalque ; Je ne serai plus hypocondriaque. Et, à l’instar du vieux Molière Dans son Malade imaginaire, Je tomberai pendant le dernier acte ; Je suis un hypocondriaque. Je suis un hypocondriaque. |
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Commencée à Paris, été 1995 |
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Terminée à Genève, 30 janvier 1996 |
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© Sébastien G. Couture, 2003 SOCAN |
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