Je collectionne les cartes postales du désert de Gobi
De Boukhara de Carthagène du lac Baïkal aussi
Je me suis souvent rêvé sur des routes de légende
Alpiniste dans le Pamir marchand à Samarcande

Je brandis ma longue vue et c’est la Jamaïque
Je lutte dans les vagues d’un orage des Tropiques
Et puis la mer se calme cap sur Bonne Espérance
Plages de Madagascar rivages de Casamance

Toutes ces images d’ailleurs m’ont voyagé l’enfance
Je mesurais trois pouces la terre était immense

Mon monde tu m’as bercé

Sur les cailloux de la route on ressentait souvent
Le passage d’Hannibal celui de Tamerlan
De cavaliers furieux surgissant de nulle part
Et qu’on entend encore dans les steppes certains soirs

Sous les brumes du Caucase la Perse se dessine
Un tapis d’Ispahan au ciel de Palestine
Et des contrebandiers près du Triangle d’or
La jungle comme un écrin qui s’ouvre sur Angkor

Et Simbad à grands voiles ira jusqu’à Ceylan
Où la plume de Bouvier a su calmer les vents
Les semelles de Rimbaud effleurent la Somalie
Et Corto à Venise regarde couler sa vie

Toutes ces images d’ailleurs m’ont voyagé l’enfance
Je mesurais trois pouces la terre était immense

Mon monde tu m’as bercé

Je grandissais le monde se faisait tout petit
On l’avait découvert à m’en gâcher l’envie
La Chine et sa muraille l’Orient et ses mystères
La terre est planifiée l’Everest a des horaires

Aujourd’hui on consomme les endroits et les êtres
On les photographie à les faire disparaître
Les pays sont des étals où l’on peut tout acheter
Où l’on fait des emplettes sans saveur chaque été

Mais les dunes ont la peau douce les cimes parlent au ciel
De la Route de la Soie aux portes du Sahel
La yourte où l’on t’accueille la marchande d’épices
Les verrais-je pareil dans un car à touristes ?

Toutes ces images d’ailleurs m’ont voyagé l’enfance
Je mesurais trois pouces la terre était immense

Mon monde tu m’as bercé
Tu m’as bercé