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Allez patron !

(paroles et musique : Sébastien G. Couture)
© Sébastien G. Couture, 1993 (SOCAN)

Le bar est plein de gens qui suent;
Je ne les vois plus mais je les sens.
Ils collent à moi comme des sangsues,
Me frôlent, me touchent, me chauffent le sang.

Je vacille dans le flot gluant
De toutes ces épaves qui me serrent.
Dans ce remous de corps suants,
J’étouffe et j’ai le mal de mer.

Mais le comptoir me cligne de l’oeil
Tout comme un phare dans la tourmente.
Je louvoie entre les écueils
Et m’y échoue, les mains tremblantes.

Allez patron! sers-moi une bière,
N’importe laquelle, la même qu’hier,
Ça m’dérange pas, mon foie s’en fout!
Allez patron! encore une bière
Pour que j’oublie un peu hier,
Pour me faire croire que je m’en fous,
Que je m’en fous.

Tenir debout est une prouesse
Mais un beau banc me tend les bras.
Je lui présente mes deux fesses;
C’est le coup de foudre dès qu’je m’assois.

Ils ont l’air de très bien s’entendre,
Avec les fesses, c’est plus aisé.
Quand c’est le coeur qu’il faut comprendre,
Il n’est plus permis de biaiser.

Qu’est-ce que j’ai à philosopher,
À ressasser toute ma rancoeur?
Moi, j’suis venu boire pour oublier,
Vider mon verre et puis mon coeur.

Allez patron! sers-moi une bière,
C’est mon salut, ma seule prière;
Le paradis, c’est pour les saou-
Lons.  Eh patron! encore une bière,
Oui, j’ai trop bu et j’en suis fier,
Et pis après…  tout le monde s’en fout,
Tout le monde s’en fout.

Ma bière me dit des choses gentilles;
Je l’écoute, elle me fait bien rire.
Elle parle d’amour et de filles,
De baisers tendres et de soupirs.

Et ses p’tites bulles sont bien friponnes;
Elles racontent sans gêne des charmes
Qui me rappellent une personne
Et j’éclate de rire jusqu’aux larmes.

Cette foutue bière dit des conneries;
V’là qu’elle me fait broyer du noir.
Non mais, elle se croit tout permis
À faire des bulles dans ma mémoire!

Allez patron! une autre bière;
Celle-ci me rend un peu amer.
Ne t’en fais pas, je deviens fou.
Allez patron! encore une bière;
Mais oui, bien sûr qu’c’est la dernière!
De toute façon, toi, tu t’en fous,
Toi, tu t’en fous.

Mais qu’est-ce qu’ils ont à me regarder,
Z’ont jamais vu un homme heureux?
Je les ignore, ces enculés,
Une cigarette et j’ferme les yeux.

Je vogue doucement dans des marais;
La musique folle se fait lointaine.
Je me sens bien, je me sens frais;
Parti mon mal, parties mes peines.

Mais une douleur m’sort du néant:
Ma cigarette qui m’brûle les doigts.
Ça me réveille, juste un instant,
Le temps de gueuler encore une fois:

Allez patron! sers-moi une bière;
Tu m’croyais mort; tu m’connais guère.
Ha! ha! ha! ha!  Je suis debout!
Allez patron! encore une bière;
J’veux qu’on me sorte sur une civière;
J’veux seulement boire, boire comme un trou!

Allez patron! mille autres bières;
Apporte aussi deux, trois chaudières*
Ou j’vais vomir partout, partout!
Allez patron! ça vient cette bière?
Immédiatement, ou c’est la guerre;
Fais attention, je deviens fou!

Eh! eh! patron! c’est quoi ces manières?
Tes gorilles me prennent par derrière;
On m’fout dehors, ça c’est le bout,
Ça c’est le bout!

Allez patron! laisse faire la bière;
J’ai bien trop bu; de quoi j’ai l’air?
De toute façon, je rentre chez nous,
Je rentre chez nous.

* Une chaudière, au Québec, signifie un seau. En Europe, j’ai changé le vers par : « Apporte aussi une serpillière »

Québec, 25 janvier 1993

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Historique

Chanson à grand spectacle, théâtrale plutôt, écrite dans mon chouette appartement de la rue Sainte-Anne. La beuverie monstrueuse d’un gars qui veut noyer sa peine d’amour.

L’action se passe à la Fourmi atomique. Ce n’est pas dit dans la chanson, mais c’est là que je voyais la chose. Bon, je crois que la Fourmi n’existe plus, alors personne ne peut vérifier.

C’est une chanson assez brélienne par le refrain et que je dois faire en fin de concert tellement elle me pète la voix !

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