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Chanson noire

(paroles et musique : Sébastien G. Couture)
© Sébastien G. Couture, 1993 (SOCAN)

Regardez-moi, regardez-moi,
Et entendez tonner ma voix
Qui se brise sur vos tympans,
M’arrache la gorge, et pourtant
Elle vous fait rire ou vous émeut
Mais tout ça pour moi n’est que jeu.
Je sais qu’il faut jouer de son charme;
Je connais le prix d’une larme
Quand je vous berce de beauté,
De mots loin de la vérité.
Je meurs pour vous en souriant
Et vous aimez en soupirant.

Moi, je vous chante vos louanges;
Vous me croyez quand je vous mens.
Je connais les mots qui dérangent
Car je suis mort à vingt-deux ans
Et Gabriel n’est plus un ange.

Regardez-moi, regardez-moi,
Je me nourris de votre émoi.
Quand je vous crie ces mots qui mordent,
Je goûte vos mains qui se tordent.
Je sais comment il faut pleurer,
Je sais comment il faut jouer,
Je sais comment il faut trahir,
Je sais comment on fait souffrir
Car je sais comment il faut plaire,
Je sais tout ce qu’il me faut faire
Pour allumer le fou désir
Au fond des yeux qui me désirent.
Et parce que je sais tout ça,
J’ai dû mourir une première fois.
Et c’est parce que je sais tout ça,
Que je mourrai à chaque pas.
Je n’ai jamais aimé personne;
Qui me veut m’a, moi je me donne.
Je suis une pute de bas quartiers;
Je ne vaux pas ce que vous jetez.

Voyez qu’en moi tout se mélange;
Je renie tout ce que je sens.
Je marche aux portes de l’étrange
Car je suis mort à vingt-deux ans
Et Gabriel n’est plus un ange.

Regardez-moi, regardez-moi,
Joli visage, agiles doigts.
Un masque fait pour vous tromper,
De grandes mains pour étrangler.
Dans mes rêves, je tue des hommes,
Je bois du sang, je mords, je viole.
Je saute et danse sur les corps;
Ma haine écrase mes remords.
Et puis je prends comme l’on tue;
Je donne tout mais tout m’est dû.
Ce que je touche, je le broie;
Mes mains sont chaudes, mon coeur est froid.

Je fais l’amour comme on se venge,
Les yeux ouverts, sourire aux dents.
Je ne goûte plus ce que je mange
Car je suis mort à vingt-deux ans
Et Gabriel n’est plus un ange.

Regardez-moi, regardez-moi,
Je me fais faire n’importe quoi;
Je vomis sur mon innocence
Tout le fiel de ma déchéance.
Je vais au fond de mon dégoût,
Je profane tous mes tabous.
Je bois la mort sur toutes les lèvres;
Je dors dans les bras de la lèpre.
Oui, le bon chien avait raison;
Maintenant qu’il crève à la maison
Puisqu’il a vu ce que je suis:
Rien que du noir dessous la suie.

Moi, je me roule dans la fange;
Quand on me touche, on met des gants.
Je suis plus sale que le Gange
Car je suis mort à vingt-deux ans
Et Gabriel n’est plus un ange.

Que l’on me brise à coups de hache,
Qu’on m’écartèle, qu’enfin je sache
Tout le mal qu’on peut causer
Quand on abuse du verbe oser,
Tout le mal qu’on peut causer
Quand on abuse du verbe aimer.
Et qu’on trahit
Même l’ami.

Moi, je me vautre dans la fange;
Quand on me touche, on met des gants.
Je suis plus sale que le Gange
Car je suis mort à vingt-deux ans
Et Gabriel n’est plus un ange.
Plus un ange.

Québec, février 1993

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