« «  Fidèle au printemps   |   Vivre avec  » »

Le trottoir

(paroles et musique : Sébastien G. Couture)
© Sébastien G. Couture, 1993 (SOCAN)

Elle se ronge le bout d’un ongle
En jetant un oeil à sa montre;
Il doit être plus de minuit.
Sa jupe laisse voir ses jambes
Au bout desquelles ses pieds balancent;
C’est l’impatience qui donne le rythme.
Seule la pluie trouble la nuit,
La rue est noire, le trottoir luit;
Elle se lève, fait quelques pas.
Elle caresse une cigarette
Puis elle l’allume, l’air distraite,
Regarde au loin, soupire bien bas.

Elle semble pure comme une neige
Et bien plus blanche que la Norvège,
Et les minutes qui s’arpègent
Lui pèsent.

La crainte se coule dans son regard
À mesure qu’il devient tard;
L’inquiétude lui serre les dents.
Regarde l’heure encore et encore
Et soupire de plus en plus fort;
Le temps nous tue quand on attend.
Sa cigarette qui grésille
S’éteint toute seule comme une grande fille.
Elle la rejette sans y penser
Car son esprit est tout ailleurs:
Une voiture, une lueur
D’espoir qui passe sans s’arrêter.

Alors elle insulte la nuit
Et tous les hommes et cette pluie,
La voilà même qui maudit
La vie.

Maintenant l’angoisse est à son comble,
Déjà il ne lui reste plus d’ongles;
Ses cigarettes y ont passé.
La pluie joue de son maquillage,
Fait des dessins sur son visage.
Ha ! qu’elle est belle cette soirée!
Elle crie, elle jure et elle s’enrage,
Mais qu’est-ce qu’elle fout sous cet orage,
Sous cette putain de pluie qui la mouille?
Se peut-il qu’il ait oublié
Ce rendez-vous, cette soirée?
Elle lui arracherait les…

Mais le voici qui apparaît;
Il était temps, elle se noyait.
Elle l’engueule en souriant
Et lui s’excuse en balbutiant.
Elle monte à bord à ses côtés;
La pluie est déjà oubliée.
Il lui fait chaud, il lui fait doux,
Il met la main contre sa joue.

Et moi je reste sur le trottoir;
Je me sens seul comme un clochard.
Je les regarde s’embrasser;
Il pleut car j’ai les yeux mouillés.
En démarrant, ils m’éclaboussent;
Je m’ébroue, je râle et je tousse
Et maudis tous ceux de leur race,
Ceux dont le bonheur fait des taches.
C’est drôle ce qu’évoque cette histoire
Dans les bas-fonds de ma mémoire;
Un visage que je croyais loin
Qui me gèle l’âme quand il revient.
J’ai tant besoin de me réchauffer.
Qu’est-ce que j’avais à la regarder?
J’vais boire une bière pour ne plus y penser.

Percé, août et septembre 1993

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Historique

En fait, cette chanson précède « Allez patron ! » même si je l’ai fait après. Je me souviens l’avoir écrite en partie au coin du bar du restaurant les Fous de Bassan, à Percé, où j’ai passé deux étés de suite à chanter.

J’aime bien le texte de cette chanson, et ce zoom sur le narrateur à la toute fin. Elle est très visuelle, presque un mini-film.

Glèche Lavrille, quand il l’a entendue la première fois était un peu déçu : « Encore une chanson sur une femme ! Tu peux pas changer de thème ?! ». Mais il a adouci son propos en disant que si je parlais toujours de femmes, au moins j’en parlais bien.

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